Les français sont-il de bons investisseurs ?
Notre article fait suite au propos de Richard Michaud, Insight Banking pour Les Echos : lien
Les français sont d'excellents épargnant avec 6 000 milliards d'euros d'épargne et un taux d'épargne les plus haut d'Europe avec plus de 17%.
29% des français ont déjà ont déjà investi en Bourse, c'est très peu comparé aux autres pays européens. A titre de comparaison 10% des français possède au moins un crytpo-actif en 2025 d'après l'étude mené par l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan) en partenariat avec Deloitte et Ipsos.
Pourquoi de nombreux français se limitent aux Livrets et boudent La Bourse ?
Malgré une épargne abondante, les Français continuent de bouder massivement la Bourse. Leur présence sur les marchés actions demeure extrêmement marginale, bien que les outils d’investissement se soient diversifiés et que les incitations fiscales se soient renforcées ces dernières années. Comment expliquer une telle distance vis-à-vis de la finance cotée ?
Selon Euronext, en 2017, les investisseurs individuels ne détenaient que 3,9 % du SBF 120, l’indice regroupant les 120 plus grandes capitalisations boursières françaises.
Un chiffre à peine supérieur à celui de l’État actionnaire (4 %), et très éloigné de la part détenue par :
- les familles fondatrices (13,7 %),
- ou par les sociétés d’investissement professionnelles (24 %).
Certes, l’introduction en Bourse de la Française des Jeux fin 2019 a ravivé un peu l’intérêt du grand public, tout comme le krach du printemps 2020, qui a attiré de nouveaux investisseurs profitant des cours bas. L’AMF a ainsi recensé 150 000 nouveaux investisseurs particuliers sur le seul mois de mars 2020.
Mais globalement, la France ne compte encore que 3,6 à 4 millions d’actionnaires individuels, pour 29 millions de ménages. L’écart reste abyssal.
📉 Un traumatisme toujours vivace : la peur de perdre
Depuis plus de 20 ans, les marchés financiers ont connu plusieurs crises majeures : éclatement de la bulle Internet, crise des subprimes, choc Covid... Ajoutez à cela les déconvenues d’entreprises emblématiques comme EDF ou Orange après leur privatisation, et vous obtenez un cocktail de méfiance durable.
D’ailleurs, ce n’est pas un rejet idéologique de la finance ou un souvenir douloureux qui domine : seulement 1 Français sur 10 évoque une mauvaise expérience personnelle ou un rejet moral de la Bourse. Ce qui pèse vraiment, c’est une crainte ancrée que l’investissement en actions soit synonyme de perte.
🤔 Une défiance irrationnelle mais tenace
Et pourtant, les chiffres montrent autre chose : le CAC 40 a gagné plus de 110 % depuis son point bas de 2009. Autrement dit, sur le long terme, la Bourse offre historiquement des rendements très attractifs.
Mais voilà : 7 Français sur 10 estiment malgré tout que la Bourse n’offre pas de meilleures opportunités que les autres placements. Pour beaucoup, la sécurité prime sur la performance, même au prix d’un rendement quasi nul.
💸 La fiscalité est-elle un frein ?
La création de la flat tax en 2018 (prélèvement forfaitaire unique à 30 % sur les revenus du capital) visait à simplifier la fiscalité de l’épargne financière. Pourtant, 58 % des Français n’en ont jamais entendu parler, et 84 % de ceux qui la connaissent disent qu’elle n’a aucun impact sur leur volonté d’investir en actions.
Conclusion : la fiscalité n’est pas le vrai frein. C’est davantage le manque de culture financière et la peur du risque qui bloquent.
🧱 L’attachement culturel à l’immobilier
Les Français ont historiquement un rapport privilégié à la pierre. Aujourd’hui encore, l’immobilier représente près de deux tiers de leur patrimoine brut. Cette préférence repose sur plusieurs piliers :
- un ressenti de sécurité plus fort que pour les actifs financiers ;
- une lisibilité plus grande pour le non-initié ;
- et des dispositifs fiscaux incitatifs (Pinel, Denormandie, déficit foncier, etc.).
Face à cette solidité perçue, les marchés financiers semblent abstraits, complexes et surtout instables.
😟 Aversion au risque et délégation de confiance
Cette défiance repose aussi sur une aversion très marquée au risque. Nombre de Français confient ainsi leur épargne à leur banque ou à leur assureur, sans chercher à comprendre le fonctionnement des placements proposés.
Beaucoup n’exigent pas de transparence sur la composition des supports ni sur le mode de rémunération des conseillers.
Cela se traduit par une préférence massive pour les placements réglementés (Livret A, LDDS, LEP), perçus comme sûrs et lisibles… malgré leur rendement très inférieur à l’inflation.
🧾 Assurance vie : l’illusion du sans risque
Quand les montants épargnés augmentent, les Français privilégient alors l’assurance-vie, mais en restant majoritairement sur le fonds en euros, garanti par l’assureur.
Ce dernier est perçu comme un placement sans risque : les versements sont sécurisés, les intérêts annuels définitivement acquis. Mais ce confort est en réalité une illusion.
Les fonds en euros sont investis en obligations, principalement d’État et d’entreprises, donc exposés à la conjoncture économique. L’assureur amortit la volatilité, mais cela pèse à la baisse sur la performance à long terme, et la garantie dépend in fine de sa propre solidité financière.
🇫🇷 Le système de retraite par répartition freine la capitalisation
Autre facteur-clé : le système de retraite à la française.
Contrairement à d’autres pays (notamment les États-Unis), les Français ne constituent pas eux-mêmes leur capital retraite, car :
- ils sont obligés de cotiser,
- ces cotisations sont immédiatement redistribuées aux retraités actuels (principe de répartition).
Ce système donne l’illusion d’une retraite acquise. Résultat : les actifs ne ressentent pas le besoin de capitaliser eux-mêmes via des placements long terme comme les actions, contrairement à leurs homologues anglo-saxons.
📈 Et pourtant, l'investissement en Bourse est source d'opportunité sur le long terme
Malgré leur prudence, les Français ont tout intérêt à s’investir davantage dans les marchés financiers, notamment dans le cadre de la préparation de leur retraite.
L’AMF rappelle que sur une durée de 15 à 20 ans, un portefeuille d’actions bien diversifié a procuré entre 5 % et 7 % de rendement annuel moyen.
C’est largement supérieur à :
- l’immobilier locatif (SCPI, OPCI),
- ou aux supports garantis (fonds en euros, livrets),
et ce, malgré la volatilité inhérente aux marchés.
En 2022 :
- 22 % des épargnants ont investi via leur assurance-vie,
- 14 % via l’immobilier locatif indirect,
- et seulement 17 % ont choisi les actions.
📚 Notre avis : l’éducation financière
Les jeunes générations montrent un regain d’intérêt pour les placements financiers, grâce notamment à l’essor de l’investissement en ligne et des plateformes d’accès simplifié aux marchés. Mais ce mouvement reste limité par le manque d’éducation financière dans les programmes scolaires.
➡️ Former les jeunes dès le lycée à la logique du risque/ rendement, à la diversification de portefeuille, et aux grands principes de l’économie des marchés, serait un levier essentiel pour débloquer cette épargne dormante et favoriser le financement à long terme de l’économie.
Pour rappel, selon l'OCDE en 2023 seulement 56% des français déclaraient avoir "les connaissances financières de base".
Il est essentiel de former, de faire comprendre les mécanismes financiers. Il est tout à faire normal de ne pas investir quand on ne comprend pas. Il est important que la France prenne des mesures pour encourager la population à placer de l'argent sur le long terme. Cependant avec les "influenceurs" et autres publicités mensongères qui laissent penser qu'il est facile de faire des gains à plus de 10% sur quelques mois, il est certain que le chemin est encore long
Une information que nous aimons partager à nos clients : avec 7,2% de performance pendant 10 ans, et en réinvestissant les gains (intérêts composés) vous doublez votre capital initial. Alors oui il n'est jamais aisé de faire 7,2% pendant 10 ans mais comprendre la logique des chiffres permet toujours de mieux aborder une situation.
📘 Lexique
SBF 120 : indice boursier regroupant les 120 plus grandes entreprises françaises cotées.
Assurance-vie (fonds en euros) : contrat d’épargne garantissant le capital, investi majoritairement en obligations, avec un rendement sécurisé mais faible.
SCPI / OPCI : sociétés civiles ou organismes d’investissement collectif en immobilier, permettant d’investir dans la pierre de manière mutualisée.
Rendement : gain généré par un investissement, exprimé en pourcentage du capital investi.
Volatilité : mesure de la variation des prix d’un actif. Plus elle est élevée, plus l’investissement est jugé risqué.
Répartition : système de retraite dans lequel les cotisations des actifs servent à payer immédiatement les pensions des retraités.
Capitalisation : système par lequel chacun épargne et investit pour financer sa propre retraite.
Compte courant : compte bancaire standard utilisé pour les opérations quotidiennes, généralement non rémunéré.
CAC 40 : principal indice boursier français, représentant les 40 plus grande entreprise cotées à la Bourse de Paris.