Qu’est-ce qu'un présent d’usage ?

Publié le
2/5/2025

Qu’est-ce que le présent d’usage ?

Le présent d’usage est un cadeau offert à l’occasion d’un événement spécifique, en accord avec une tradition ou un usage, sans dépasser une certaine valeur. Il ne doit pas être disproportionné par rapport aux ressources, au mode de vie et au patrimoine du donateur.

Ce type de présent échappe aux droits de mutation, n’est pas concerné par le rappel fiscal des donations et n’a pas à être intégré à la succession du donateur.

Afin d’éviter toute requalification en don manuel, il est essentiel de pouvoir prouver qu’il s’agit bien d’un présent d’usage.

Définition

Selon l’article 852 du Code civil :


"Les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipement, ceux de noces et les présents d'usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.
Le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant."

La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 décembre 1988, a défini le présent d’usage comme un cadeau respectant un certain usage, offert à l’occasion d’un événement précis et dont la valeur n’est pas excessive. Il appartient aux juges du fond d’évaluer ces critères.

Les occasions propices à un présent d’usage sont généralement des événements familiaux tels qu’un mariage, un anniversaire, l’obtention d’un diplôme ou encore les fêtes de fin d’année. Ces moments sont souvent l’occasion pour un proche d’offrir un cadeau en adéquation avec la circonstance.

Les caractéristiques du présent d'usage

Un cadeau offert à l'occasion d'un événement particulier peut être considéré soit comme un "présent d'usage", soit comme un "don manuel". Cette distinction est essentielle, car elle entraîne des conséquences civiles et fiscales différentes.

Quelles conditions de reconnaissance d'un présent d'usage ?

Fondement traditionnel :

Le présent d'usage repose sur la coutume, impliquant une transmission directe de la main à la main.

Nature du bien :

Il ne peut concerner que des biens meubles tels que du mobilier, des véhicules, des bijoux, des objets d'art, de l'argent liquide, des chèques, des virements bancaires, des bons de caisse ou encore des valeurs mobilières et des actions de sociétés.

Lien avec un événement particulier :

Le présent d'usage doit être offert dans le cadre d'une occasion spécifique, conformément à une habitude sociale.

Exemples: Cadeaux d'anniversaire, de mariage, de réussite à un examen, de naissance d'un enfant ou encore cadeaux de Noël.

Valeur raisonnable :

Bien que la loi ne fixe aucun plafond ou pourcentage précis, la valeur du présent doit rester proportionnée aux ressources, au train de vie et au patrimoine du donateur. Le présent ne doit pas entraîner un appauvrissement significatif de ce dernier.

La qualification de présent d'usage varie donc en fonction de la situation financière du donateur. Ainsi, ce qui est considéré comme un présent d'usage pour une personne fortunée pourrait ne pas l'être pour une personne aux revenus plus modestes.

Exemples:

o  Une voiture d'une valeur de 30 000 € offerte par des parents fortunés à leur fille pour son baccalauréat a été jugée non excessive.

o  Une donation d'aquarelles estimées à 70 000 francs à l'occasion du mariage d'une fille n'a pas été considérée comme excessive, malgré leur revente ultérieure à un prix bien supérieur (5 620 000 francs).

Attention: Si les critères 3 et 4 ne sont pas respectés simultanément, le présent d'usage peut être requalifié en don manuel. L'appréciation de ces éléments doit se faire à la date à laquelle le présent est consenti.

Qu’advient-il du présent d’usage au décès du donateur ?

Lors du règlement d’une succession, il est nécessaire de prendre en compte tous les avantages accordés par le défunt à ses héritiers de son vivant, notamment les dons manuels.

Cependant, les présents d’usage échappent à cette règle : ils ne sont ni soumis au rapport ni à la réduction, sauf si le donateur en a expressément décidé autrement. Ainsi, ils ne sont pas intégrés au calcul de la réserve héréditaire ni de la quotité disponible.
(Cass. civ. 1, 19 sept. 2018, n°17-24205)

Toutefois, la qualification de présent d’usage peut être contestée, notamment par un héritier. Ce dernier peut solliciter la requalification en donation afin d’obtenir l’intégration des sommes ou biens concernés dans la succession.

À titre d’illustration, un héritier a demandé l’intégration à la succession de sommes d’argent reçues en espèces par son frère. La justice a donné gain de cause à cette demande, estimant que bien que les montants remis (2 200 € et 1 300 €)soient en adéquation avec les ressources de la donatrice, ils n’avaient pas été offerts à l’occasion d’un événement particulier.
(Cass. civ. 1, 11 mai 2023, n°12-18.616)

Exemples de présents d’usage reconnus par la justice

  • A titre d’exemple, un chèque de 15 000 € à Noël a été reconnu comme présent d’usage pour un donateur possédant un patrimoine global d’environ 1,25 million d’euros. Cette décision a été rendue par la Cour d’Appel de Paris le 11 avril 2002. 

Malgré une jurisprudence qui ne manque pas d’exemple aucun notion de « proportionnalité » n’a été avancé par le législateur.

En effet, il n’existe pas de pourcentage ou de ratio permettant de déterminer s’il s’agit d’un présent d’usage ou d’une donation. La doctrine administrative précise même que « la qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte […] d’un examen de circonstances concrètes de chaque affaire, incompatible avec l’application de critères normatifs préétablis ».La jurisprudence a simplement acté depuis 1988 que le présent d’usage ne doit pas excédant « une certaine valeur ». Magnifique le flou persiste …  Voici d’autres exemples :

  • Aquarelles  offertes pour un mariage : Huit aquarelles d’une valeur de 70 000 Francs données par un père à sa fille pour son mariage ont été qualifiées de présents d’usage, compte tenu de sa fortune. La revente ultérieure pour une somme bien plus importante ne modifie pas cette qualification.
        (Cass. civ. 1, 10 mai 1995, n°93-15.187)
  • Sommes versées à des petites-filles pour diverses occasions : Une grand-mère ayant remis de l’argent à ses petites-filles pour leurs anniversaires, le baptême d’un arrière-petit-enfant ou encore un mariage, sans que les montants ne soient excessifs au regard de ses revenus, a vu ces dons qualifiés de présents d’usage.
        (CA Douai, chambre 1, section 1, 23 mai 2013, n°268/2013, 09/03321)
  • Chèques de montants modérés remis pour des fêtes : Des talons de chèques de 200 € chacun, annotés pour diverses occasions (fêtes, Noël), ont été jugés comme des présents d’usage, les montants étant proportionnels aux ressources de la donatrice.
        (CA Douai, chambre 1, section 1, 25 juin 2012, n°411/12, 11/04995)
  • Chèques conséquents offerts à un enfant à l’occasion d’anniversaires et de Noël : Des montants significatifs (jusqu’à 16 000 €) remis pour ces occasions par des parents assujettis à l’Impôt sur la Fortune ont été qualifiés de présents d’usage. Le fait que tous les enfants n’aient pas reçu les mêmes présents n’a pas remis en cause cette qualification.
        (CA Paris, 3 décembre 2014, n°14/01066)
  • Voiture offerte à une épouse pour son anniversaire : Un mari ayant fait cadeau d’une voiture à son épouse à cette     occasion, alors qu’il disposait d’importants revenus et possédait déjà deux automobiles, a vu ce don reconnu comme un présent d’usage.
        (Cass. civ. 1, 15 octobre 1963, n°59-11950)
  • Chèque de 6 000 € remis en prévision du mariage d’une petite-fille : Une grand-mère malade, ne pouvant assister au mariage de sa petite-fille, a fait un don de 6 000 € à sa fille en avril 2010. Compte tenu de ses ressources et du motif du don, il a été reconnu comme un présent d’usage.
        (CA Toulouse, 4 novembre 2014, n°13/02731)
  • Bague offerte par un mari à son épouse pour la naissance de leur fille : Ce bijou a été qualifié de présent d’usage, étant lié à un événement particulier et conforme aux usages.
        (Cass. civ. 1, 19 novembre 2014, n°13-26632

Exemples de présents d’usage non reconnus par la justice et requalifiés en donation

Certains cadeaux, bien que généreux, ne sont pas considérés comme des présents d’usage car ils ne respectent pas les critères légaux. Voici quelques décisions de justice illustrant ces cas : 

  • Chèque remis en retard et trop important : Un chèque offert deux mois après un anniversaire et d’un montant disproportionné par rapport au patrimoine du donateur a été requalifié en donation. (Cour d'appel de Nîmes, 19 avril 2011, n°10/00067)

  • Absence de justification d’un cadeau : Une Cour d’appel a été censurée car elle n’a pas précisé l’événement justifiant les cadeaux faits par un défunt à son fils et sa belle-fille. (Cass. Civ. 1ère, 25 septembre 2013, n°12-17.556)

  • Dépenses importantes sans justification : Une somme de 1 143,37 € a été requalifiée en donation, car l’intéressée n’a pas démontré l’occasion justifiant un présent d’usage d’un tel montant. (Cass. Civ. 1ère, 10 octobre 2012,n°11-19394)

  • Chèque bancaire complété par l’épouse : Un chèque signé en blanc par un mari et complété par son épouse pour un montant de 60 754,30 Francs n’a pas été reconnu comme un présent d’usage faute d’une occasion précise. (Cass. Civ.1ère, 6 décembre 1988, n°87-15083)

  • Sommes trop importantes au regard des revenus du donateur: Une mère a donné trois chèques d’un montant total de 36 800 €, alors que ses revenus annuels étaient de 23 522 €. Cette somme a été requalifiée en donation.(Cour d’appel de Chambéry, 7 mai 2013, n°11/02915)

  • Série de dons excessifs : Une personne ayant reçu au cours d’une année 33 779,35 €, sous forme de divers chèques qualifiés d’étrennes et de cadeaux d’anniversaire, a vu ces sommes requalifiées en donations, car elles ne correspondaient pas à la situation financière du donateur. (Cour d’appel de Paris, 15 janvier 2013, n°2011/14646)

  • Absence de lien clair avec l’occasion invoquée : Une somme de 76 000 € versée plusieurs mois après un mariage et coïncidant avec un achat commercial n’a pas été reconnue comme un présent d’usage. (Cour d’appel de Poitiers, 13 février 2013, n°12/00365)
  • Meubles de valeur offerts sans justification : Une bergère Louis XV et un tableau ont été donnés sans préciser l’événement et la fortune des parents, empêchant la reconnaissance du présent d’usage. (Cour d’appel de Paris, 3 juillet 2013, n°12/14665)

  • Cadeaux à une petite-fille et son concubin sans occasion précisée: Une somme offerte sans preuve d’un événement particulier a été requalifiée en donation. (Cass.Civ. 1ère, 4 juillet 2007, n°06-17310)

Quelle fiscalité s’applique ?

Les présents d'usage ne sont pas soumis aux droits de mutation. Ils ne sont également pas soumis au rappel fiscal des donations au jour du décès. La qualification fiscale des présents d'usage s'appuie sur la qualification de droit privé. Ainsi, le caractère de présent d'usage peut généralement être reconnu aux cadeaux faits aux enfants mineurs par des membres et des amis de la famille.

La réponse ministérielle CHARTIER du 17 janvier 2006 avait énoncé que "pour les sommes versées par des parents sur un plan d'épargne logement ouvert au nom de leur enfant, il est admis, compte tenu notamment du montant maximal des sommes pouvant être placées, que ce placement financier puisse être qualifié de présent d'usage.

 

Cette qualification reste néanmoins une question de fait qui, encas de litige, relève de la compétence du juge judiciaire." Cette réponse est reprise dans le BOFiP. "L’appréciation de la nature d’un don manuel et de son caractère rapportable ou non en fonction de son importance, est une question de fait. La qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte donc, au plan civil comme au plan fiscal, d’un examen des circonstances concrètes de chaque affaire, incompatible avec l’application de critères normatifs préétablis.

L'administration fiscale ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent par rapport à la fortune ou aux revenus du donateur et apprécie au cas par cas la nature du don, en fonction de l'ensemble des circonstances de fait ayant entouré la libéralité, et sous le contrôle souverain des juges du fond." Rescrit du 03 avril 2013 BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 §250 et § 260

 

Conclusion :

La distinction entre présents d’usage et donations reflète la nécessité d’un équilibre entre liberté de donner et respect des règles successorales. La vigilance est essentielle, notamment en période de fêtes, pour prévenir les litiges familiaux et garantir la sécurité juridique des intentions du donateur.

 

Pour éviter litiges de requalifications, il est conseillé de :

  • Documenter  les circonstances : Détailler l’occasion et les motifs du cadeau en veillant à conserver la preuve de la concomitance (virement, échanges de mails,…).
  • Respecter  les limites de proportionnalité : Éviter des gratifications disproportionnées.
  • Consulter un professionnel : Un notaire pourra vous accompagner afin de clarifier les enjeux fiscaux et successoraux

Lexiques :

Présent  d'usage : Cadeau offert à l'occasion d'un événement particulier, conforme aux usages et proportionné aux moyens du donateur.

Rapport fiscal des donations : Mécanisme permettant à l'administration fiscale de réintégrer des donations passées dans le calcul des droits de succession.

Mutation à titre gratuit : Transmission d'un bien sans contrepartie financière, incluant les donations et successions.

Don manuel : Transmission directe d'un bien ou d'une somme d'argent sans acte notarié, soumise aux droits de donation.

Mutation à titre gratuit : Transmission d'un bien sans contrepartie financière, incluant les donations et successions.

Références juridiques :

Code civil, article 852 : Exonération du rapport des présents d'usage.

Cour de cassation, 1re civ., 6 déc. 1988, n° 87-11.211 : Définition jurisprudentielle des présents d'usage.

BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 : Doctrine administrative relative à la distinction entre présent d'usage et don manuel

À lire aussi

Conflit-partage
Transmission & Succession
25/4/2025

Quelles conséquences en l’absence de partage dans une donation-partage ?

transmettre
Transmission & Succession
24/4/2025

Peut-on transmettre un million d’euros sans payer d’impôts ?

bien-comprendre
Transmission & Succession
15/4/2025

Quelles sont les précautions à prendre pour donner des actions ?