Prêt familial : une solution simple mais à encadrer

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Publié le
30/4/2025

Prêt familial : une solution simple mais à encadrer

Le prêt entre membres d’une même famille peut être une alternative intéressante pour obtenir une somme d'argent, souvent avec moins de contraintes qu'un prêt bancaire. Toutefois, pour éviter tout malentendu ou problème juridique, il est indispensable de formaliser ce type de prêt.

Qu’est-ce qu’un prêt familial ?

Un prêt est un accord par lequel une personne (le prêteur) remet temporairement une somme d’argent ou un bien à une autre personne(l’emprunteur), avec l’engagement de restitution dans les conditions convenues(durée, modalités de remboursement, intérêts éventuels).

Dans le cas d’un prêt familial, le prêteur et l’emprunteur appartiennent à la même famille, que ce soit en ligne directe (parents/enfants, grands-parents/petits-enfants) ou collatérale (frères, sœurs, oncles, tantes, cousins).

 

Pourquoi formaliser un prêt familial ?

Même au sein de la famille, il est primordial de rédiger un document formel pour éviter tout litige futur. Deux solutions principales existent :

  • Reconnaissance de dette (document signé par l’emprunteur).
  • Contrat de prêt (document signé par les deux parties).

Ces documents précisent :

  • Le montant du prêt (en chiffres et en lettres).
  • La durée du prêt.
  • Le montant et la fréquence des remboursements.
  • Le taux d’intérêt éventuel, qui ne peut pas dépasser le taux d’usure légal.

 

À partir de quel montant un écrit est-il obligatoire ?

L’article 1359 du Code civil impose qu’un écrit soit établi dès que le montant du prêt dépasse 1 500 €. Cet écrit peut être :

  • Un acte notarié : rédigé et signé devant un notaire.
  • Un acte sous seing privé : document rédigé directement entre les parties.

Dans tous les cas, il est recommandé de conserver un original pour chaque partie concernée.

Que dit l'administration fiscale ?

Si le montant du prêt dépasse 5 000 €, il doit obligatoirement être déclaré à l’administration fiscale via le formulaire Cerfa n°2062, à joindre à la déclaration de revenus.

Attention :

  • Si le prêteur perçoit des intérêts, ceux-ci doivent être déclarés dans sa déclaration de revenus, car ils sont soumis à l’impôt.
  • Enregistrer le document auprès de l’administration fiscale peut renforcer sa validité et éviter des contestations futures.

 

Modèles et recommandations pratiques

Des modèles de reconnaissance de dette ou de contrat de prêt sont disponibles gratuitement sur le site impots.gouv.fr.

Conseils pratiques :

  1. Faites signer le document par toutes les parties concernées.
  2. Précisez si le prêt est indexé sur un indice (par exemple, l’inflation).
  3. Assurez-vous que les mentions obligatoires (montant, durée, échéancier, intérêt éventuel) soient présentes.

Les points à bien surveiller

· Preuves insuffisantes :


Un e-mail ou un SMS seul ne constitue pas une preuve valide d’un prêt, sauf s'il est appuyé par d'autres éléments (décision de la Cour de cassation, 26septembre 2019, n°18-16523).

· Respect des limites légales :


Assurez-vous que le taux d’intérêt convenu ne dépasse pas le taux d’usure légal, pour éviter des sanctions.

· Évitez les conflits familiaux :


Formaliser un prêt, même au sein de la famille, permet de clarifier les termes et d’éviter toute ambiguïté.

 

Aller plus loin : Qu’est-ce que la présomption fiscale du prêt familial ?

Lorsqu'un membre de la famille verse une somme d’argent sur le compte bancaire d’un proche, ces versements sont présumés être des prêts non imposables, sauf si l’administration fiscale prouve le contraire. Cette règle, encadrée par la jurisprudence, est appelée présomption fiscale de prêt familial.

En quoi consiste la présomption fiscale ?

La présomption fiscale signifie que, par défaut, les sommes versées par un proche sont considérées comme un prêt. Si l’administration fiscale veut contester cette non-imposition, elle doit prouver que ces sommes ne constituent pas un prêt, mais :

  • Une donation déguisée.
  • Des revenus imposables (ex. : une rémunération).

Exemple : Si des parents effectuent un virement important àleur enfant, l’administration peut chercher à démontrer que ce virement n’estpas un prêt mais un don soumis aux droits de donation.

Les bénéficiaires de la présomption

Les personnes bénéficiant de cette présomption sont :

  • Les parents et enfants (lien direct ascendant ou descendant).
  • Les membres de la famille collatérale (frères, sœurs, oncles, tantes, cousins).
  • Les concubins vivant en union stable et continue.

Critères pour valider la présomption

Pour que la présomption fiscale s’applique, certaines conditions doivent être respectées :

  1. Traçabilité bancaire  : Les versements doivent être réalisés par virement ou chèque. Les paiements en espèces ne permettent pas d’appliquer la présomption.
        Référence : CAA Lyon, 26 février 2013, n°12LY00875.
  2. Chronologie logique : Les dates et les montants doivent montrer clairement qu’il s’agit d’un     prêt.
  3. Documentation : Idéalement, les parties doivent fournir un écrit daté prouvant l’existence du prêt.

Une présomption simple, mais contestable

La présomption fiscale est dite "simple", ce qui signifie qu’elle peut être contestée par l’administration. Les inspecteurs des impôts disposent de plusieurs arguments :

  • Invraisemblance des prêts : L’administration peut démontrer que les prêteurs n’avaient pas les ressources nécessaires pour accorder le prêt.
        Exemple : CE, 24 avril 2013, n°348237.
  • Relations d’affaires : Si des relations professionnelles existent entre les parties,     l’administration peut remettre en question le caractère familial du prêt.

Risques en cas de rejet de la présomption

Si l’administration fiscale prouve que les conditions de la présomption ne sont pas réunies, elle peut requalifier les sommes en :

  • Revenus non déclarés (taxables dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée).
  • Donation déguisée, soumise aux droits de donation.

Exemple :
Un parent accorde 6 prêts d’un montant total de 6 millions d’euros à son enfant sans intérêts ni échéancier clair. Selon les circonstances, ce prêt peut être requalifié en donation si des indices montrent une absence de réelle intention de remboursement.

Indices pouvant conduire à une requalification

L’administration fiscale peut s’appuyer sur un "faisceau d’indices" pour démontrer que les versements n’étaient pas réellement des prêts :

  • Absence de remboursement des sommes prêtées.
  • Âge avancé du prêteur, rendant improbable un remboursement de son vivant.
  • Difficultés financières de l’emprunteur, suggérant qu’un remboursement est     irréaliste.
  • Lien de filiation, notamment en cas d’inaction du prêteur pour exiger le remboursement.

Exemple : Si un père accorde un prêt à son fils en grande difficulté financière et ne réclame aucun remboursement, cela pourrait être considéré comme une donation indirecte.

Obligations déclaratives

Même si un prêt familial bénéficie de la présomption fiscale, les partiesdoivent respecter les obligations déclaratives :

  • Déclaration obligatoire : Si le prêt dépasse 760 €, il doit être déclaré via le formulaire n°2062 auprès des impôts, même en l’absence de document écrit.
  • Rédaction et enregistrement : Bien qu’un acte écrit ne soit pas toujours obligatoire, il est fortement conseillé de rédiger un contrat de prêt et de l’enregistrer auprès des impôts.

 

Lexique

Acte sous seing privé :Document écrit et signé directement entre deux parties, sans intervention d’un notaire.

Reconnaissance de dette :Document par lequel une personne (l’emprunteur) reconnaît avoir reçu une somme d’argent et s’engage à la rembourser.

Taux d’usure : Taux maximal légal que les prêteurs peuvent appliquer à un prêt, fixé par la Banque deFrance.

Indexation : Ajustement du montant du prêt ou des remboursements en fonction d’un indice économique (ex. :inflation).

Présomption simple : Hypothèse considérée comme vraie, mais qui peut être contestée avec des preuves.

Faisceau d’indices : Ensemble d’éléments permettant d’établir une preuve ou une démonstration.

Donation déguisée : Don volontaire présenté sous une autre forme (prêt, vente, etc.) pour éviter l’imposition.

Revenus d’origine indéterminée : Sommes créditées sur un compte bancaire sans explication claire, requalifiées comme imposables.

Références juridiques

Article 1359 du Code civil :Obligation d’écrit pour les prêts supérieurs à 1 500 €.

Décret du 20 août 2004 : Fixe le montant minimal nécessitant un écrit.

Cerfa n°2062 : Déclaration obligatoire pour les prêts familiaux supérieurs à 5 000 €.

Cass. civ. 1, 26 septembre 2019, n°18-16523: Insuffisance d’un simple e-mail comme preuve de prêt.

CE, 17 octobre1990, n°97253 : Présomption de prêt familial non imposable.

LPF. art. L.16 etL.19 : Taxation des sommes non justifiées.

CAA Lyon, 26février 2013, n°12LY00875 : Importance de la traçabilité bancaire.

Cass. com., 8 février 2017, n°15-21366 : Requalification des prêts en donation selon les circonstances

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